Alain Juppé a-t-il mis Bordeaux au vert ?

En 2008, Alain Juppé, le maire de Bordeaux lance avec sa municipalité l’Agenda 21, un plan d’action pour faire de sa ville un modèle sur le plan environnemental. L’ancien ministre de l’écologie a-t-il tenu ses engagements ?

 

Parmi les 260 mesures instaurées par l’Agenda 21, nous en avons sélectionné dix représentatives. Six mois après la fin de ce plan, nous avons déterminé pour chacune des mesures si elle avait été tenue ou non. Parfois, des objectifs sont trop flous pour que nous puissions les mesurer. D’autres fois, ils ont changé en cours de route.

Objectifs analysés :

PAS TENUE Réduire les émissions de CO2 de plus de 3% en moyenne

Dès 2008, la mairie annonçait en conseil municipal : “La France s’est engagée à diviser par quatre ses émissions de CO² entre 1990 et 2050 en réduisant de 3% en moyenne par an ses rejets. La Ville de Bordeaux doit apporter sa contribution à ce véritable défi”.

A l’heure du bilan, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est insuffisante : la municipalité atteste d’une baisse globale des émissions à 3,6% en 6 ans. Mauvais point.

TENUE Lutter contre la précarité énergétique en équipant des familles en kits d’économie d’énergie

L’objectif  fixé de 800 foyers équipés a été atteint. 807 familles bordelaises ont bénéficié de kits d’économie d’énergie avec économiseurs d’eau, ampoules LED et sablier pour calculer le temps passé sous la douche. “807 sur 147 000 foyers”, nuance Delphine Jamet, de l’opposition EELV.

TENUE Réduire la consommation d’eau de la ville

Mission accomplie : la mairie de Bordeaux peut se targuer d’une consommation diminuée de 70% depuis 2002, plus d’un million de mètres cube, de quoi remplir 440 piscines olympiques.

Des investissements dans la réparation des fuites des vieux bassins ont contribué à la baisse de la consommation d’eau. “On arrose seulement les espaces horticoles qui donnent la priorité à la dimension esthétique du patrimoine. On y limite cependant l’utilisation d’eau grâce à des techniques de travail sur le sol pour éviter l’évaporation”, explique Magali Fronzes, adjointe au maire en charge des espaces verts. Autre objectif : arrêter de puiser dans l’eau potable en privilégiant l’eau de Bordeaux lac, de la Garonne et des nappes alluviales. “Les étés pluvieux nous ont aidés!”, avoue-t-elle finalement.

TENUE, MAIS Augmenter la part modale du vélo à Bordeaux

A la signature du traité en 2008, la municipalité s’engageait à augmenter la part modale du vélo dans la ville de Bordeaux relative à son utilisation quotidienne par les Bordelais. Un objectif de 15% à l’horizon 2020 était fixé en 2013 au travers de la Charte de Bruxelles. Anne Walrick, adjointe au maire en charge du développement durable et des déplacements doux, s’est enthousiasmée de la forte progression de cette part modale : “Nous sommes environ à 11% sur la Ville de Bordeaux”. Pourtant, dans le rapport, qui se réfère à une étude publiée en 2012 par l’Insee et la DREAL Aquitaine, il est question des étudiants et des jeunes actifs, et non de la totalité de la population. Selon l’opposition verte, la part modale du vélo à Bordeaux se situerait “entre 6,5 et 7%”.

La part modale du vélo dans la ville a certes augmenté, mais en l’absence d’objectifs chiffrés précis, le sentiment de réussite reste relatif.

TENUE Limiter l’usage de produits agressifs pour la nature (Objectif zéro phyto)

“Le choix a été fait de ne plus désherber, de laisser faire la nature tout en la maîtrisant”, explique Magali Fronzes. L’enjeu n’était pas économique mais plutôt environnemental. “Avant, il était interdit de marcher sur les pelouses à cause des pesticides, aujourd’hui elles sont labellisées ‘écologiques’”.

Depuis 2012, aucun produit chimique n’est plus utilisé dans les espaces verts. Nouvel objectif pour la mairie : étendre le “zéro phyto” au professionnels, et encourager les particuliers à faire de même dans leurs jardins.

PAS TENUE Réduire la consommation d’énergie des bâtiments municipaux

A la mise en place de l’Agenda 21 en 2008, la consommation en énergies des bâtiments municipaux était l’un des rares objectifs chiffrés. Dans le but d’être exemplaire, la ville a misé sur une baisse de 38 % de consommation d’énergie des bâtiments municipaux à l’horizon 2014. Le bilan de décembre 2014 liste les résultats : “la consommation des bâtiments a baissé de prés de 30% en 6 ans”. Si l’objectif n’a pas été atteint, la mairie s’est donnée un délai supplémentaire en visant une réduction de 50% fixé à l’horizon 2016”.

TENUE Baisser la consommation des éclairages publics

TENUE, MAIS Augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation de la ville

Augmenter à 23 % la part des énergies renouvelables dans la consommation de la ville, c’était le projet de l’agenda 21 à sa signature. La part des énergies renouvelables dans la consommation des bâtiments de la ville est effectivement passée de 6% en 2007 à 23% en 2013. Mais dans son exemplarité, la ville en aurait-elle oublié ses citoyens ? Anne Walrick concède : “Il y a encore beaucoup d’efforts à faire. Nous sommes à 9% d’énergies renouvelables sur le territoire fin 2013”.

A SUIVRE Espaces verts et jardins familiaux, Maison écocitoyenne

Sur les 260 mesures engagées lors de la signature, difficile de suivre les traces et aboutissements de chacune. “Pour beaucoup, les indicateurs de suivi étaient inexistants, dans ces conditions, il est difficile d’évaluer la réussite ou non de l’objectif de départ”, déplore l’élu Pierre Hurmic, conseiller municipal EELV. De nombreux critères sont difficiles à quantifier et des objectifs ont changé depuis la mise en place de l’Agenda 21.

A titre d’exemple, l’ouverture de la Maison éco-citoyenne a bien eu lieu comme le souhaitait l’Agenda 21, mais sans objectif de fréquentation du lieu. La ville de Bordeaux s’était pourtant engagée, en 2008 et en 2012, à  “communiquer sur les résultats des engagements des signataires” en ouvrant au public les bases de données contenant la totalité des indicateurs. Alain Juppé et Patrick Faucher, en charge de la délégation au développement durable, n’auront pas souhaité s’exprimer sur le sujet.

La surface d’espaces verts par habitant doit augmenter. Elle est aujourd’hui estimée à 20m2, en dessous donc du panel moyen défini dans le bilan de l’agenda 21 qui est lui à 29m2 par habitant.  Pas d’objectifs très clairs également concernant  la création des jardins familiaux et partagés. « Il y a deux jardins familiaux à Bordeaux, les Aubiers et Bacalan. On aimerait en créer un de plus d’ici 2020. Concernant les jardins partagés, il y en a 18 aujourd’hui et 12 en création. On aimerait rester sur la dynamique de trois jardins partagés par an », explique l’adjointe au maire en charge des espaces verts Magali Fronzes.

Accédez aux données et aux sources grâce à ce tableau récapitulatif.

 

François d’Astier, Ombeline de Fournoux et Anaïs Furtade