Idée de départ
En découvrant que la région Aquitaine s’était engagé en 2005 à mettre en place un plan d’élimination et de réduction de ses déchets dangereux sous dix ans, nous nous sommes demandés où en était ce plan une fois son terme arrivé. Nous avons alors contacté Dominique Nicolas, élu EELV dans la majorité au Conseil Régional d’Aquitaine et membre de plusieurs associations environnementales dont Aquitaine Alternatives. Celui-ci a accepté de nous communiquer le rapport final d’une étude commandée par la région Aquitaine en avril 2014 intitulé « Etude du gisement des déchets dangereux et actualisation de l’inventaire des installations de traitement sur le territoire aquitain ».
L’étude faisait état du manque évident d’informations relatives aux déchets dangereux des professionnels sur le territoire aquitain. Nous avons compris grâce à un entretien avec Franck Uteau, coordinateur déchets-air-énergie au service Environnement et Eco-citoyenneté du Département de la Gironde, que la collecte et le traitement des déchets dangereux des professionnels relevaient d’une grande complexité. Le mille-feuille administratif associé à la création de nouvelles lois et décrets rendaient la situation difficilement compréhensible.
Après étude des différentes législations, il est apparu que seuls les plus gros producteurs de déchets dangereux (plus de 2 tonnes par an) avaient l’obligation de déclarer leur production de déchets auprès d’un service de l’État : la DREAL (Direction régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement). Cela nous a permis de constater que si tous les producteurs de déchets, a fortiori de déchets dangereux, ont l’obligation de faire traiter leurs déchets, la plupart ne doivent pas les déclarer et aucune forme de contrôle n’existe véritablement. Ce flou organisé et entretenu par les différentes décisions politiques entraîne chaque année la disparition de près de 90 000 tonnes de déchets dangereux en Aquitaine. Nous nous sommes donc demandés ce qu’il advenait de ces déchets.
Recherche de données
Notre problème principal a été le manque de données sur ce sujet, même si c’était aussi ce qui le rendait particulièrement intéressant. Nous avons d’abord travaillé sur les données présentes dans le rapport de la région, non sans nous assurer de leur pertinence. Pour cela nous les avons comparés avec les données présentes sur le site de la DREAL, dans le fichier Gerep : « Base de données des installations classées ». Nous avons aussi interviewé la rédactrice du rapport, Laure Prete, afin qu’elle nous explique comment elle avait mené cette enquête pour le compte de la région Aquitaine. Il en est ressorti qu’elle avait fait de même, utilisant également le fichier EGIDA de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat de Gironde, annuaire des artisans du département.
Nous avons donc contacté Marianne Caritez, chargée de l’environnement à la CMA de Gironde, afin qu’elle nous communique les données de ce fichier EGIDA. Cela devait nous permettre de collecter des informations relatives aux petits producteurs de déchets dangereux ( – 2 tonnes / an). Il s’est avéré impossible d’avoir accès à l’intégralité de ce logiciel interne à la CMA mais celle-ci a bien voulu nous communiquer les informations précises dont nous avions besoin.
Notre but principal était d’identifier la part des artisans ayant souscrit à un contrat de gestion collective de leurs déchets dangereux auprès de la CMA. Cela était notamment écrit dans l’inventaire des installations de traitement daté du 4 mars 2014 transmis par la chargée de mission Déchets-économie circulaire au Conseil Régional d’Aquitaine, Marie-Christine Boutheau. Celle-ci nous a également fourni une étude de gisement des déchets dangereux.
Enquête de terrain
Pour compléter nos données, nous avons souhaité appuyer notre enquête sur des interviews et des rencontres afin de comprendre ce que devaient les déchets dangereux lorsqu’ils sortaient du circuit légal et n’étaient donc plus traçables. Nous avons d’abord contacté différents artisans et commerçants exerçant des professions particulièrement polluantes : pressings, imprimeurs et prothésistes dentaires. Cela nous a permis de comprendre que de nombreux déchets dangereux de professionnels partaient directement dans les déchets ménagers sans que cela n’alerte particulièrement les autorités.
Nous avons ensuite visité la déchetterie publique d’Eysines, théoriquement interdite aux professionnels, afin de confirmer notre hypothèse selon laquelle de nombreux professionnels contournaient la loi en se servant des déchetteries publiques pour se débarrasser gratuitement de leurs déchets. Un entretien avec Franck Réthore, responsable des déchetteries de Bordeaux-Métropole, nous a confirmé que le manque de surveillance dans les déchetteries publiques incitaient les professionnels à les utiliser fréquemment.
Enfin l’utilisation de l’application TrashOut, qui recense les décharges et dépôts sauvages dans le monde entier, nous a permis de comprendre que les professionnels se débarrassaient aussi de leurs déchets dangereux dans les espaces publics sans autre forme de procès. Une discussion avec l’un des utilisateurs, Jean-Robert Bos, nous a confirmé le fait que de nombreux déchets professionnels étaient jetés dans la nature.
Toutes ces démarches ont confirmé l’hypothèse de départ selon laquelle une part importante de déchets dangereux ne sont pas traités comme ils devraient. faute d’une législation suffisamment claire et restrictive, 25 % de ces déchets disparaissent.
Visualisation
Pour les représentations graphiques nous avons voulu mettre en évidence l’écart entre le nombre d’artisans dans la Région et ceux qui gèrent leurs déchets de manière collective auprès d’entreprises agrées par la CMA. Les données obtenues auprès de la CMA et de la Région ont permis la construction du graphique. Avec les données du rapport final, nous avons construit une typologie des différents déchets dangereux produits par les entreprises. Une représentation soulignant leur grande diversité et leur grande dangerosité.
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